Attache-parisienne en Italie
Dans Le salon des refusées, onze chansons et une plage sonore sont accrochées aux murs comme autant de tableaux aux paysages mouvants, sensiblement différents mais ouverts sur un horizon commun : les cycles de l’amour. Dans ce salon règne un confort ouaté, une chaleur d’appartement que régule un éclairage calfeutré. Du coeur de cet espace d’habitation transformé en studio de travail, la voix de Claire Diterzi s’élève, ses mots, sa musique incarnée qu’elle est allée puiser au plus douloureux d’elle-même, seule ou presque dans son nid organique bâti quelque part sur la terre, dans l’air, sous l’eau, au milieu des flammes, abritée mais perdue sous un ciel aléatoire, dans une époque irrésolue, entre la guerre et la fête, l’obscurité et les paillettes, la gloire et les oubliettes.
Et parce que son « nord » s’est refusé à elle-même et aux autres pour des raisons qu’on peut ignorer ou ne pas vouloir savoir, l’album exulte de nouveauté, de simplicité, de courage et de force contenue, dont la puissance de tonnerre s’abat longtemps encore après l’éclair de l’écoute. Exilée d’elle-même, l’exploratrice des profondeurs, la voyageuse de la nuit, la chercheuse de lumière en territoire inconnu nous offre avec beaucoup de pudeur un trésor intime. Il semblerait que la souffrance ait payé, les coups de piolet ont fait jaillir la matière brute d’une musique dépouillée, riche en mélodies prélevées à la source : pures, limpides, sans phosphate ni arôme artificiel. Son âme est à nu, sa voix posée – mais ô combien toujours fière, en colère, insoumise, généreuse. Les machines électroniques ont été remisées. Il n’y a pas d’effet appuyé, pas d’emphase, pas de son de tambour ni de fanfare présidentielle. Pas de démonstration. Rien que des essences, des souffles, des cordes, des gouttelettes de cordes, des courants de cordes que la viole de gambe vient filer – un peu de rock aussi pour commencer, un ou deux « bras d’honneur », un peu de pop et de petites nappes bien comme il faut car on ne se refait pas.
Et c’est beau. C’est beau à en pleurer. C’est drôle aussi parfois. La folle-dingue inventive, multirécidiviste et transformiste d’un album à l’autre n’a jamais été aussi folle que depuis qu’elle est sage. Une sagesse relative : comme si chaque morceau, taillé au mot, à la note et à la seconde près, en vous emmenant au bord d’un abîme à en donner le vertige, était prêt dans un mouvement tout aussi aérien à vous péter à la gueule. De ce salon qui aurait pu rester à la villa Médicis de Rome où elle a conçu son oeuvre pendant un an (et tout contre lequel, pour mon plus grand plaisir il fallait que je le dise, j’ai vécu oreille au mur), la chanteuse française en a fait un lieu universel, départ d’un voyage intérieur et culturel qu’elle nous invite à effectuer à ses côtés. C’est là tout le paradoxe et la poésie de cet album romantique, au toucher classique et académique, mais d’inspiration contemporaine et actuelle.
Patrice Pluyette
Chant : Claire Diterzi
Viole de gambe : Christine Payeux
Percussions : Etienne Bonhomme
Guitare : Thomas Naïm & Jean-Baptiste Savarit
Violon : Carla Pallone
Artwork + photos : Laurent Seroussi
Régie : Cédric Grouhan
Son : François Gouverneur et Arnaud Viala
Vidéo, lumière : Vincent Idez
PRODUCTION : ASTERIOS SPECTACLES
COPRODUCTION : UNE COPRODUCTION ASTERIOS SPECTACLES – LA COURSIVE,
SCENE NATIONALE DE LA ROCHELLE – SCENE NATIONALE DE SETE ET DU BASSIN DE THAU
Disponible en digipack