Claire Diterzi
Depuis le milieu des années 1980 et ses débuts, à 16 ans, à la tête du collectif rock alternatif tourangeau Forguette-Mi-Note, le parcours de Claire Diterzi peut se lire comme une longue tentative d’évasion, ou plutôt d’émancipation. On ne pense pas qu’au sexe en écrivant cela, mais aussi à tous les cadres, les formats et les carcans dans lesquels on a trop souvent voulu enfermer la « chanson ». Anticipant souvent sur bien des tendances contemporaines, Diterzi ne cesse de chercher à offrir à celle-ci, davantage que d’hypothétiques « lettres de noblesse », de nouvelles aires de jeu et d’invention. Des ailleurs et des possibles, faisant fi des règles de l’étiquette autant que des taxonomies institutionnelles, loin de la routine inhérente à toute corporation. Une certaine idée d’une chanson transgenre et pluridisciplinaire, d’un théâtre musical décomplexé et hardi, dont les fortes figures féminines qui le jalonnent – de Calamity Jane à Sarah Kane, en passant par Rosa Luxembourg – disent assez le goût de la liberté.
C’est à la fin de la décennie 1990, après avoir obtenu un diplôme en arts graphiques et suivi la classe de chant du contre-ténor Jean Nirouet au Conservatoire de Tours, que Claire Diterzi décide de se consacrer exclusivement à la musique. Son album Boucle, publié chez Naïve, remportera le Grand prix du Disque de l’Académie Charles Cros. Entre-temps, la chanteuse et multi-instrumentiste aura commencé à se frotter à d’autres plateaux : la danse avec Philippe Decouflé (Iris en 2004), la musique de films pour Anne Feinsilber et Jean-Jacques Beineix, les arts visuels avec Titouan Lamazou, pour lequel elle compose en 2007 la musique de l’exposition Zoé Zoé Femmes du Monde au Musée de l’Homme, le théâtre avec Alexis Armengol ou Marcial Di Fonzo Bo avec lequel elle coécrit Rosa La Rouge présenté au Théâtre du Rond-Point, et qui lui vaut le prix de la meilleure musique de scène du Syndicat de la Critique.
En 2010-2011 Claire Diterzi est pensionnaire à la Villa Médicis, où elle écrit Le Salon des Refusées, s’ensuivent des créations composites où s’exerce à parts égales son amour des sons, des images et des mots, se jouant des frontières esthétiques (du rock à l’opéra, de l’électro à la musique contemporaine) et des impératifs catégoriques – ainsi de 69 Battements par minute, conçu à partir des textes de Rodrigo Garcia, créé en 2014 au Théâtre des Bouffes du Nord. De « grandes formes » comme L’Arbre en poche (2018) – libre adaptation du Baron perché d’Italo Calvino pour un comédien, un contre-ténor et six percussionnistes, dont elle co-signe la mise en scène avec Frédéric Hocké et la musique avec le compositeur Francesco Filidei – ou encore cette relecture de son répertoire en version symphonique, Je garde le chien et l'orchestre, commande du Grand Théâtre / Opéra de Tours. Mais aussi des projets plus intimistes : Je garde le chien (d’après son Journal d'une création, qu’elle joue seule en scène depuis 2015, ses duos avec le chorégraphe Dominique Boivin (Connais-moi toi-même, créé dans le cadre des Sujets à Vif du Festival d’Avignon 2017) ou le percussionniste Stéphane Garin (pour Concert à table qui se décline dans une grande variété de contextes). En janvier 2022, suite à une commande du CDN de Sartrouville pour le festival Odyssées en Yvelines, elle conçoit, compose et met en scène un opéra jeune public tout terrain Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule.
Claire Diterzi est Commandeur des Arts et Lettres.